20 mai 2009

Quand les bourreaux se confient


« Les articles publiés par Le Gaulois sur les souffrances du guillotiné ont fait le tour des journaux de province, la plupart se sont bornés à reproduire ces articles, sans commentaires; parmi ceux qui les ont accompagnés d'observations et de développements, Le Mémorial de la Loire est celui qui a publié le travail le plus complet. M. Antonin Boudin y raconte les conversations qu'il eut avec messieurs d'Arras et d'Amiens, au retour d'une triple exécution à laquelle il avait assisté. Laissons la parole à Monsieur d'Amiens : En 1854, je fus appelé à couper le cou d'une femme, jeune encore, qui avait empoisonné toute une génération d'oncles et de neveux pour arriver à une succession de 1.300 fr. Elle était mal résignée et n'y mit pas toute la bonne volonté désirable. Après l'exécution, je trouvai la tête de la patiente accrochée, par les dents, à l'un des rebords du panier. Les mâchoires étaient si étroitement serrées qu'elles avaient percé l'osier de part en part. J'eus toutes les peines du monde à détacher cette tête enragée, dont la regard fixe avait des effarements dont on ne saurait se faire une idée. Le bourreau multiplie les exemples et rappelle d'autres souvenirs. Une autre fois, raconte-t-il, ayant supplicié un garçon boucher, de vingt-deux à vingt-six ans, sa tête manqua le panier et roula à terre. L'échafaud avait été dressé comme à Roziéres, en plein champ. Quand je voulus ramasser la tête, je m'aperçus qu'elle adhérait, en quelque sorte, au sol. Et, en effet, dans les dernières convulsions de la vie, la bouche du guillotiné avait saisi une touffe d'herbes et s'y était cramponnée. Il me fallut enlever tête et gazon du même coup. Une troisième exécution fut celle d'un Italien, tellement terrible et exalté, qu'on fut, selon l'expression de l'exécuteur, obligé de le " ficeler comme un saucisson d'Arles ". L'opération faite, raconte t-il, nous trouvâmes la tête de l'Italien entièrement saupoudrée d'une triple couche de sciure de bois ensanglantée, la bouche en était pleine. Je n'ai rien vu de plus hideux. Pour se mettre en cet horrible état, cette tête avait dû rouler sur elle-même, dans le panier, pendant quarante secondes au moins. Après ce fait, dont j'affirme la parfaite exactitude, il vous paraîtra difficile de nier que la vie, la vie animale, du moins, subsiste après la décollation. Pour moi, termina-t-il, la chose ne comporte pas le moindre doute.
Enfin, et cette fois, si le bourreau n'est un point lugubre et féroce imposteur, l'observation qu'il a faite est terrible; enfin il eut à décapiter un manouvrier qui se prêta avec docilité à l'effroyable expiation. Mais lorsque, raconte-t il, arrivés au cimetière, mes aides voulurent tirer du panier le cadavre et sa tête, ils reculèrent frappés d'épouvante ! Le corps était couché sur le dos, dans un état de contraction nerveuse indescriptible ; les bras et les jambes tordus, la poitrine en quelque sorte enfoncée dans le dos. Et, chose plus horrible encore, la tête - les yeux hors de leurs orbites, et les cheveux hérissés, - adhérait à l'une des cuisses qu'elle avait mordue jusqu'au sang. On fut obligé d'enlever la pièce pour mettre les deux morceaux dans un cercueil que la famille avait fourni. »

Le Gaulois – 23 janvier 1870

1 commentaire:

  1. Bonsoir Jourdan,

    L'exécution féminine en 1854 est en fait, si j'en crois les crimes invoqués, celle de Clémentine NOLLENT, épouse GEOFFROY, le 8 septembre 1856 à Amiens.

    Cordialement

    Sylvain

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