20 mai 2009

« l’odieux préjugé » des habitants d’Agen


En janvier 1802, Gilles-François-Nicolas Berger, originaire de Tours où son père était bourreau, est nommé exécuteur des arrêts criminels du Lot-et-Garonne, à Agen. Ville - si l’on en croit son témoignage - où le préjugé à l’égard des exécuteurs était particulièrement vif. Le 18 juillet 1803, il écrit au ministre de la justice pour s’en plaindre et obtenir un autre poste. Sans résultat. Puis trois autres lettres, en avril, mai et juin 1804. Il décède à Agen en 1805, à l’âge de 47 ans, sans être parvenu à être entendu. Extrait d’un de ses courriers (1) :

« Sensible aux afronts, d’ailleurs environné de méchans, avec la meilleure volonté que j’avais de me fixer à Agen, je ne puis point supporter l’odieux préjugé qui domine la majeure partie des habitans de cette ville envers les hommes de mon mettier […]
Depuis mon arrivée à Agen, malgré que je me conduise de la manière la plus sage et la plus honête, néanmoins, mon épouse, mes enfans et moi n’avons cessé d’éprouver tous les mépris et les humiliations imaginables. Si bien que nos quatre petits enfans auxquels je voulais donner de l’éducation, n’ont pû sous aucun prétexte et a pas un prix, être reçus pas même chez le moindre instituteur, même encore avec la protection de Mr l’Evêque, qui a bien voulu s’intéresser pour nous. Ce n’est donc point sans motifs, Citoyen Grand Juge, que je me plains contre le préjugé qui dévore les habitans d’Agen, puisqu’ils l’ont porté à l’extrême. Ainsi je ne puis absolument me supporter dans cette ville sous tous les rapports, et encore moins par la raison que, depuis que je réside, je ne traine qu’une vie languissante, au point que le délabrement de ma santé, joint à la peine et à l’inquiétude qui me rongent, me font craindre pour mes jours. Si vous n’avez la bonté et la charité tout à la fois, de m’en éloigner promptement en m’ordonnant de me rendre du côté de Paris, où j’espérerais me rétablir, et rencontrer des hommes plus justes et plus raisonnables et moins supertitieux. »

(1) Archives Nationales, BB/3/210

1 commentaire:

  1. Bravo pour ce blog de qualité, qui a de beaux jours devant lui.

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